25/04/2009
La Peau du Temps
Avec cette série, Dominique Zoladz franchit une étape décisive dans son vocabulaire plastique. Il se libère de ses amarres photographiques et nous propose des créations apatrides. Souvenons-nous des éclaboussures colorées de ses Mémoires Murales. Beaucoup s’interrogeaient : peinture ou photo ? Avec Bomarzo, l'origine photographique ne faisait aucun doute mais la colorisation du noir et blanc créait une équivoque de la perception ; une troublante poésie selon les mots de l’artiste. La Peau du Temps, quant à elle, rompt radicalement avec la représentation photographique. Ces images sont autonomes et leur "cuisine" importe peu. Pour qui connaît le parcours de Zoladz, ce travail est le prolongement logique d'une démarche artistique entamée depuis près de 20 ans. Nous y retrouvons sa trinité adorée : temps, pierre et couleurs.
Confirmant ses précédentes recherches, l’artiste poursuit une démarche esthétique empreinte de baroquisme. J’entends par là, profusion et ambiguïté. Profusion, c'est-à-dire prodigalité de signifiants. A contre-courant d’un minimalisme "rabougri", Zoladz prend le risque de nous offrir, dans chacune de ses œuvres, une richesse de formes et de couleurs. Quant à l’ambiguïté, retenons l’étymologie ambigere, "être en discussion avec soi-même". Et, les images de Zoladz résonnent et raisonnent avec notre mémoire. Perception, réminiscences, remue-méninges… le décodage nous appartient. Don précieux que cette liberté d’interprétation. En fait, avant d’être un photographe ou un plasticien, Dominique Zoladz est un poète, un artisan doué d'un rare savoir-voir. Pour preuve, ses tous premiers travaux : des collages parfois surréalistes, toujours poétiques. Fidèle à sa vision métaphorique, ses créations récentes dégagent une poésie fragile comme des fresques anciennes. Une peau du temps sur le point de tomber en poussière, de tomber en oubli. Icônes évanescentes…
A propos de la fascination de l'artiste pour la statuaire, ce texte de Grégory de Sand apporte un écho. "La beauté, nous ignorons ce qu'elle est, les bibliothèques regorgent de livres qui tentent d'apporter la réponse. Mais nous nous heurtons à une grâce de marbre qui, malgré les traces d'usure, nous contemple depuis la nuit des temps et suggère en nous le début de la réponse.” Probablement, Zoladz recherche t-il aussi la solution à l’énigme de la beauté. Sa réponse, suggérée et provisoire, est toute en générosité sincère.
J’emprunterai, pour conclure, ces quelques mots à Christian Bobin : "Parler de peinture ce n’est pas comme parler de littérature. C’est beaucoup plus intéressant. Parler de peinture c'est très vite en finir avec la parole, très vite revenir au silence”.
Un silence contemplatif.
Jean-Pierre Dubois
Note technique :
Cette série se compose jusqu'à présent d'une trentaine de tableaux au format 0,50 x 0,70 encadrés.
Photographies originales noir et blanc, papier de soie et encres de couleurs
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